Liminaire
Le recouvrement forcé des créances fiscales obéit à une procédure particulière et relativement autonome qui, en principe, échappe au juge des voies d’exécution de l’OHADA. Cette assertion a été affirmée de nombreuses fois par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage – CCJA – au regard non seulement de l’absence du droit fiscal des matières prévues à l’article 2 de son Traité de Port-Louis mais aussi en vertu de la nature juridique du contentieux fiscal de recouvrement (CCJA – Avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, Arrêt n° 025/2010 du 08 avril 2010, Arrêt n° 072/2020 du 12 mars 2020).
Après l’adoption par l’OHADA de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution – AUPSRVE –, des confusions de droit, souvent d’ordre pratique, sont nées de l’interprétation dudit Acte, précisément en ses articles 28 (ces saisies peuvent être pratiquées quelle que soit la nature de la créance), 336 et 337 (après l’entrée en vigueur, ces mesures abrogent toutes les dispositions relatives aux matières qu’elles concernent dans les Etats parties) en comparaison aux procédures fiscales existantes.
Du fait ci-dessus, quelques interrogations se dégagent : que deviennent ces procédures fiscales existantes qui régissent spécialement le recouvrement de l’impôt ? Ces procédures sont-elles substituées aux règles de l’AUPSRVE ? En cas de contentieux qui résulterait d’une certaine ambivalence, quel en serait le juge compétent ? Au regard de son caractère relativement autonome, les procédures fiscales peuvent-elles laisser place au recours à l’AUPSRVE ?
Sans conteste, telles qu’énoncées supra, les procédures fiscales demeurent d’application conformément à la législation interne de chaque Etat partie et sont de l’apanage de l’Administration des Impôts (Le principe). Néanmoins, cette dernière peut soit recourir à l’Acte uniforme sous examen soit se voir appliquer les règles dudit Acte uniforme (Les exceptions) ; d’où la nécessité de la détermination du juge compétent en cas de contentieux en la matière.
Aux fins de rechercher plus de clarté, il nous faut au préalable poser les bases de droit en examinant le fondement juridique de la saisissabilité des créances fiscales (I), la nature juridique du contentieux fiscal de recouvrement et les modalités d’exercice y relatif (II), ensuite les mécanismes légaux de substitution des règles de recouvrement forcé de l’OHADA à celles des créances fiscales (III) avant de conclure (IV).
I. Fondement juridique de la saisissabilité des créances fiscales
Qu’il s’agisse des procédures fiscales ou de celles relevant de l’AUPSRVE, une saisie mesure d’exécution ne saurait être pratiquée sans un titre un titre exécutoire préalable. Par opposition à la procédure de droit commun (droit de l’OHADA en la matière), l’office du juge en matière fiscale n’est pas requis quant à l’obtention, mieux, l’émission d’un titre exécutoire en raison notamment de la nature publique de l’impôt, pris au sens large.
En effet, l’Etat créancier de l’impôt ne pouvait, pour d’évidentes raisons notamment de finalité de l’impôt (couverture des charges publiques), s’astreindre à solliciter du pouvoir judiciaire un titre exécutoire chaque fois qu’il est constaté une dette fiscale[1]. Cela rendrait moins diligent l’administration fiscale dotée des prérogatives de puissance publique. Ainsi, en vertu du double privilège du préalable et de l’exécution d’office, l’administration fiscale s’arroge la prérogative de se créer un titre exécutoire.
Ces actes exécutoires sont crédités d’une présomption de légalité[2] et offre à l’administration publique un pouvoir d’action unilatérale en vue de la réalisation de l’intérêt général. Ils n’ont donc pas l’autorité de la chose jugée mais plutôt l’autorité de la chose décidée[3]. Ces actes sont légaux jusqu’à ce que le juge compétent, éventuellement, les annule.
Le privilège du préalable serait parfaitement vidé de son sens si l’administration n’avait pas la possibilité de contraindre ses administrés à respecter ses actes. A cet effet, le titre de perception dont l’administration fiscale s’est dotée est immédiatement rendu exécutoire[4], en l’occurrence par le Receveur des Impôts qui est en le principal instigateur[5].
Le titre exécutoire de droit fiscal est classé parmi ceux qui sont dispensés de l’obligation d’apposition de la formule exécutoire[6]. Il produit, au sens de l’art. 33 de l’AUPSRVE, les mêmes effets qu’une décision judiciaire qui serait rendue par le juge de droit privé.
Par ailleurs, dans certaines législations fiscales, le juge peut se voir reconnaître le droit d’apposer la formule exécutoire pour certains droits. A titre d’exemple, au Cameroun, le titre de perception est rendu exécutoire par le tribunal territorialement compétent (Cfr. art. L.53 al. 3 du livre des Procédures Fiscales). Ces titres, selon l’art. 411 du CGI Camerounais, sont visés et déclarés exécutoires sans frais par le Président du tribunal d’instance dans le ressort duquel est établi le centre d’impôt du poursuivant.
La détermination du juge compétent reste fondamentale dans les procédures judiciaires de contestation des actes exécutoires émis.
II. Nature juridique du contentieux fiscal de recouvrement et modalités d’exercice
Dès l’entame, il faut préciser que le contentieux fiscal de recouvrement est un contentieux de droit administratif par essence et résulte de la volonté de la loi.
L’article 104 alinéa 3 de la loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif dispose que la section du contentieux du tribunal administratif connaît du contentieux fiscal de son ressort ; à ce titre, toute contestation au sujet de la validité et de la forme des actes de poursuites en recouvrement des impôts de son ressort relève de sa compétence. En sus, l’article 72 alinéa 4 de la loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales – RPF – telle que révisée à ce jour, renvoie les contestations en matière de recouvrement des impôts à la censure du Tribunal administratif du ressort[7].
Cependant, il convient d’indiquer qu’à ce jour qu’il s’agit du Tribunal de Grande Instance – TGI – qui connaît de ce type de contentieux fiscal sans aucun fondement légal. C’est donc à tort que le TGI fait office du Tribunal Administratif puisqu’aucune disposition légale ne le relève ; encore qu’il n’existe aucun greffe administratif rattaché au TGI. Il est de mauvais sens qu’en lieu et place d’une requête (mode de saisine de la juridiction administrative en cette matière), le TGI soit saisi par assignation qui indique qu’il siège en matière civile au vu de son enrôlement.
L’on serait tout de même tenté de croire que le TGI continue de fonder sa compétence sur la base d’une disposition modifiée, en l’occurrence l’article 72 dans son ancienne version de la loi portant RPF qui l’établissait comme juridiction contentieuse compétente en la matière.
La lecture combinée de dispositions précitées associées à l’Arrêté ministériel n° 020 du 28 juin 2016 relatif aux mesures d’exécution relatives aux contestations en matière de recouvrement des impôts relève que, sous peine d’irrecevabilité de l’action portée devant le juge administratif, le redevable de l’impôt ou son mandataire justifiant d’un mandat spécial ou général doit préalablement adresser sa réclamation au Receveur compétent de l’Administration des Impôts qui en informe immédiatement le Directeur ou le Chef de Centre selon le cas. En pratique, elle est faite par simple lettre de réclamation dans laquelle il est préférable que le redevable intègre en ampliation le Directeur ou le Chef de Centre, selon le cas.
Autant pour les actes préalables aux poursuites (AMR, Mise en demeure de payer, Contrainte ou Commandement) que pour les actes de poursuites proprement dits (ATD, Saisies mobilières, immobilières et les ventes qui en découlent, et la fermeture provisoire par l’apposition de scellés), les dispositions de la loi portant RPF et l’Arrêté précité renseignent que les contestations en matière de recouvrement des impôts portent :
- soit sur l’existence de l’obligation de payer ;
- soit sur le délai de l’exigibilité de la somme réclamée ;
- soit sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués ;
- soit sur la régularité en la forme de l’acte de poursuites qui exige le paiement de l’impôt ;
- soit sur la compétence de la personne qui exerce les poursuites ;
- soit sur tout autre motif ne remettant pas en cause l’assiette et le calcul de l’impôt.
En cas d’opposition faite devant le juge, les mesures de poursuites sont suspendues jusqu’à la décision judiciaire. En d’autres termes, c’est dès l’instant de la signification de l’exploit à l’Administration des Impôts que l’opposition suspend l’exécution entamée[8].
A ce titre, notons que seuls les actes de poursuites proprement dits (les saisies) font l’objet de contestation devant le juge compétent en sollicitant la mainlevée de la saisie et dont la recevabilité est conditionnée par la réclamation administrative préalable.
S’agissant spécialement de la procédure d’ATD, l’on peut s’interroger sur l’opportunité de saisir le juge en ce qui concerne la question des délais entre sa notification au tiers-détenteur, le délai de 72h dans lequel ce dernier doit déclarer la situation patrimoniale du redevable sous peine d’être poursuivi comme débiteur direct de l’impôt dans le délai de huit jours[9], la réclamation administrative préalable et le temps de la saisine du tribunal.
En effet, cette procédure peut s’avérer être fastidieuse autant pour le redevable que le tiers-saisi (relevant souvent des établissements financiers) car, l’émission d’un tel acte suppose une procédure des actes préalables de poursuites par lesquels le redevable ne s’est pas acquitté de sa dette fiscale.
La loi du 13 mars 2003 portant RPF telle que révisée à ce jour laisse à la seule appréciation du Receveur des Impôts une hypothèse de mainlevée de la saisie. Pour le redevable désireux de faire valoir d’éventuels arguments uniquement en contestation du montant à payer, cette procédure peut s’avérer fatale à cause du temps réduit entre l’examen des renseignements obtenus du tiers-détenteur et la décision à intervenir. Sur un plan pratique, il serait plus aisé de se rapprocher de manière administrative (par courrier) auprès du Receveur instigateur en motivant sa réclamation afin d’obtenir une décision de sursis qui aura pour effet non pas de rendre de nouveau disponible les sommes détenus mais plutôt de gagner en temps afin d’espérer s’acquitter d’un impôt juste et équitable. Ce n’est qu’après acquittement de la dette fiscale que le Receveur fera lever la saisie pratiquée.
III. Mécanismes légaux de substitution des règles de recouvrement forcé de l’OHADA à celles des créances fiscales
A ce stade, il est opportun de relever qu’en vertu de l’existence des voies d’exécution de l’OHADA, l’Administration des Impôts, en contentieux fiscal face à son redevable, peut se retrouver à juste titre devant le juge de droit privé.
Sans confusion aucune, l’AUPSRVE n’a pas abrogé les procédures fiscales de recouvrement forcé.
Dans son avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001[10], la CCJA s’est exprimée en ces termes : « Le Droit fiscal ne fait pas partie à ce jour des matières rentrant dans le domaine du droit des affaires harmonisé tel que défini à l’article 2 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme concerné mettent en œuvre des mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte Uniforme, ces procédures fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-ci ».
A cet effet, il est utile d’analyser le premier mécanisme de substitution du présent point.
III.1. La substitution résultant d’une disposition interne de renvoi ou par le choix de l’Administration des Impôts
Il ressort clairement de l’avis précité que le choix revient à l’Administration des Impôts de décider de la voie à emprunter. Si son choix est porté vers une saisie de droit fiscal, le régime juridique appliqué est celui de la loi nationale portant RPF et par conséquent, le litige relève du droit administratif. En revanche, si son choix se tourne vers les saisies de l’AUPSRVE, le régime de l’OHADA lui sera soumis devant le juge de droit privé, en vertu de l’article 49 de l’AUPSRVE, qui est compétent en la matière pour ne statuer que sur la validité et la forme des actes de poursuites, et non sur tout autre motif remettant en cause l’assiette et le calcul de l’impôt.
Le recours pour l’administration fiscale aux voies d’exécution de l’OHADA résulte en effet du législateur et se justifie par la supranationalité ou l’effet abrogatoire des dispositions de droit interne contraires aux Actes uniformes tel que disposé aux articles 10 du Traité de l’OHADA, 336 et 337 de l’AUPSRVE.
En se référant aux dispositions de la loi du 13 mars 2003 portant RPF, les saisies mobilières, immobilières et les ventes qui en découlent sont diligentées en vertu des règles de l’AUPSRVE[11].
Dans son arrêt n° 025/2010 du 08 avril 2010, dans l’affaire opposant la société Amar Taleb dite SATA contre le Receveur des Impôts de Zinder, la CCJA a cassé précisément l’arrêt confirmatif de la Cour d’Appel de Niamey n° 32 du 08 mars 2006 rendu à la suite de l’Ordonnance n° 181 du 04 octobre 2005 du Juge des référés du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey dans laquelle le juge des référés (au sens de l’AUPSRVE) qui, bien que saisi d’une contestation relative à une saisie-attribution pratiqué par le Receveur des Impôts de Zinder sur base d’une contrainte (qui relève du droit fiscal) pour se faire payer, s’était pourtant déclaré incompétent en concluant que « les contestations relatives au recouvrement des impôts sont portées devant le juge administratif compétent ».
En effet, donnant gain de cause à la SATA, la CCJA a estimé que les deux premiers juges avaient décidé de la sorte à tort en motivant clairement que les contestations nées du choix exprès opéré par le Receveur des Impôts de Zinder de se tourner vers une saisie-attribution relèvent exclusivement des règles de l’AUPSRVE. En conséquence, la CCJA a infirmé l’ordonnance y relative, déclaré nuls procès-verbaux de saisie et de dénonciation de saisie et ordonné la mainlevée de ladite saisie.
Cet arrêt de la CCJA consacre mieux en matière de saisies fiscales et de l’AUPSRVE, le principe Electa una via non datur recursus ad alteram : la voie empruntée délibérément par le Receveur des Impôts l’oblige à la respecter.
Surabondamment, s’agissant spécialement de la procédure d’ATD, la CCJA dans son arrêt n° 072/2020 du 12 mars 2020 opposant la société Atlantique TELECOM Togo contre l’Office Togolaise des Recettes (OTR) a estimé que par application du principe « saisie sur saisie ne vaut » résultant de l’effet translatif de la saisie-attribution tel que prévu par l’article 154 de l’AUPSRVE, un créancier ne pouvait, pour le recouvrement de la même créance et sans avoir préalablement levé l’ATD, pratiquer une saisie-attribution. La CCJA affirme que l’ATD et la saisie-attribution ont les mêmes objectifs et caractéristiques. L’ATD, quoiqu’affectée au privilège du Trésor, est une voie de saisie au même titre qu’une saisie-attribution. Ainsi, la Cour casse et annule l’arrêté attaqué, infirme l’ordonnance ayant validé à tort la saisie-attribution alors que subsistait un ATD pratiqué pour la même cause sur le même débiteur, et déboute par conséquent le créancier-saisissant (l’administration fiscale) de son action en paiement des causes de la saisie-attribution.
Par ailleurs, un second mécanisme de substitution résulte de la supranationalité en cas de concours de saisie exercé par une pluralité de créanciers.
III.2. La substitution résultant de la supranationalité en cas de concours (pluralité) de saisie
Bien que l’AUPSRVE ait institué les aspects de pluralité de saisie dans de nombreuses dispositions en ses articles 74, 130 et suivants, 155, 190 et 245 entre autres, le siège de cet aspect précis réside en son article 155.
Cet article dispose que les actes de saisies signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours[12].
La signification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause cette attribution, sans préjudice des dispositions organisant les procédures collectives.
D’une part, si les sommes saisies suffisent à désintéresser tous les créanciers, le principe de l’attribution immédiate des sommes appréhendées demeure applicable sans exception[13].
D’autre part, cette disposition fait clairement une distinction entre deux situations à condition unique que les sommes disponibles ne soient pas suffisantes pour désintéresser tous les créanciers.
La première situation est celle des actes de saisie-attribution signifiés au cours de la même journée (y compris par un ATD) par lesquels les créanciers viennent en concours lorsque les sommes sont insuffisantes pour les désintéresser tous car ils sont réputés faits simultanément.
La seconde est celle où elle donne la priorité au premier créancier saisissant, lorsque la deuxième signification intervient à une date ultérieure, même si le créancier est privilégié, en l’occurrence l’Administration des Impôts, cette dernière ne devant se contenter que du reliquat déduit de la quotité disponible de la somme du débiteur. En cette matière, la règle est le paiement par la distribution au marc le franc au regard de l’article 226 de l’Acte uniforme portant organisations des sûretés – AUS –[14].
C’est à ce titre qu’en vertu de l’article 155 sous examen, il a été jugé à bon droit, le 15 décembre 2010 par la Cour d’appel de Bangui que la société ORANGE Centrafrique (tiers saisi) devrait payer immédiatement le créancier premier saisissant puisqu’il y avait un cantonnement automatique[15] et reverser le reliquat, quel que soit le montant, au second créancier même privilégié[16].
En effet, l’on a considéré que la spontanéité de la saisie-attribution engendre le rang des créanciers qui est uniquement, dans ce cas, fonction de leur rapidité à intervenir et non des causes légales ou traditionnelles de préférence. Ainsi, le concours de créanciers dans une saisie-attribution, impliquant également un ATD, se règle au prorata des créances respectives sans avoir à prendre en compte l’existence d’éventuels privilèges.
En réalité, le Privilège du Trésor dont disposait la Direction Générale des Impôts –DGI–, impliquée en qualité de co-créancière, a été inopérant du fait du cantonnement automatique de la saisie du premier créancier (qui a pour effet de rendre les sommes saisies indisponibles).
Conformément à l’article 180 de l’AUS, cette solution rend inapplicables ou inopérants les droits de préférence que peuvent avoir les créanciers saisissants. L’administration fiscale, bien que sa créance soit pourvue du Privilège du Trésor au sens de la loi fiscale, ne peut faire valoir son privilège lorsqu’elle se retrouve en concours avec d’autres créanciers aussi bien privilégiés que chirographaires car les règles du droit de l’OHADA lui ont été appliquées dès l’instant où le jeu du concours de saisie a été opéré.
V. Conclusion
La spécialité du droit fiscal réside dans ses techniques et ses méthodes propres tendant à s’organiser de manière spéciale.
Il serait complètement erroné de croire que les procédures fiscales ne subsistent plus ou ne devraient plus subsister en raison de l’avènement du droit de l’OHADA et l’AUPSRVE. Il résulte de la volonté des rédacteurs du Traité de l’OHADA que le droit fiscal ne fait pas partie du champ d’application dudit Traité (article 2). Le distinguo apparaît de manière intelligible lorsqu’on examine la nature de la créance fiscale ou administrative (d’origine publique), les caractères spéciaux de l’Administration (du domaine du droit public) et la nature du contentieux fiscal (d’essence du droit administratif).
Par ailleurs, il a été démontré que le législateur fiscal manifeste de manière expresse la volonté de recourir en toute conformité aux voies d’exécution instituées par l’AUPSRVE pour ce qui est uniquement des mesures conservatoires et mesures d’exécution forcée que celui-ci organise. En outre, il résulte assurément de l’Administration des Impôts d’emprunter la voie de saisie de son choix, de la respecter et de s’y conformer.
Sans nul doute, l’ensemble du titre III du Code de procédure civile congolais a été abrogé par les règles en vigueur de l’AUPSRVE qui demeure dès lors le droit commun dont les procédures fiscales prennent en charge quant à certaines dispositions précises et communes.
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[1] J.-P. BOURS, L’exécution forcée en droit fiscal, Controverses et actualités, Texte publié dans l’ouvrage de la Commission de la CUP (Université de Liège), sous le titre général « Actualités en droit de l’exécution forcée », Anthémis, 2009, p. 4.
[2] F. VUNDUAWE Te PEMAKO, Traité de droit administratif, De Boeck & Larcier, Bruxelles, 2007, p. 663 et s.
[3] Lire à ce propos, M. HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, 12è éd., Dalloz, 2002, 1150 P.
[4] N. PIROTTE, Le recouvrement fiscal, Kluwer, 2000, p. 3.
[5] Art. 63 al. 1er de la Loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales telle que révisée à ce jour.
[6] Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, Bénin, 2011, p. 2065.
[7] Par opposition, le Contentieux d’assiette, lui, est porté devant la Cour administrative d’appel (Lecture combinée des articles 104 et 108 de la loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant RPF, et de l’article 96 al. 4 de la loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif.
[8] Lecture combinée de l’art. 72 al. 5 de la loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant RPF et de l’Arrêté ministériel n° 020 du 28 juin 2016 relatif aux mesures d’exécution relatives aux contestations en matière de recouvrement des impôts.
[9] Voir Art. 67 de la loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant RPF.
[10] Avis rendu sur Demande n° 002/2001 de la République de Côte d’Ivoire du 19 octobre 2000.
[11] Voir les Art. 68 al. 2, 69 et 71 de la loi n° 03-04 du 13 mars 2003 portant RPF.
[12] Le concours, entendu ici, est une situation égalitaire dont jouissent tous les créanciers en cas de pluralité de saisies lorsque la quotité disponible (la totalité de la créance saisie ou du montant du bien meuble) ne permet pas de désintéresser ceux-là (tous les créanciers saisissants). Lire en cette matière, A. IBONO Ulrich, Incidence du droit de l’exécution forcée OHADA sur les procédures de recouvrement des créances fiscales, Recueil LGA n°14, Décembre 2018, https://legiafrica.com, p. 9.
[13] E. KONDO, Le montant de la saisie-attribution, Gagnant services, mars 2013, p. 22.
[14] La répartition au marc le franc permet de répartir la quotité disponible entre les créanciers au prorata du montant de leur créance. La formule pour en effectuer la distribution est : Montant dû au créancier X Quotité disponible / total des montants dus à tous les créanciers.
[15] Le cantonnement automatique a pour effet de rendre les sommes saisies immédiatement indisponibles au profit du créancier.
[16] Arrêt civil n° 295, Cour d’appel de Bangui, Affaire société ORANGE Centrafrique c/ NAMTOLI Elie Allard et SOUMBALA Léandre, Société MEDIA INTERNATIONAL, Direction Générale des Impôts.